La fessée : une exception française ?

La fessée : une exception française ?

La fessée donnée aux enfants, et plus largement les châtiments corporels, sont illégaux dans 23 pays européens, mais pas en France. À l’occasion du 25ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui sera célébré le 20 novembre 2014, Magali Cotard s’est intéressée à cette exception française.

Depuis une trentaine d’années, les mentalités ont beaucoup évolué en Europe sur les méthodes éducatives. De nombreux pays ont choisi d’interdire toute violence à l’égard des enfants, y compris des formes de violence parfois jugées plus légères comme la fessée ou la gifle. La Suède a été le premier pays à interdire la fessée dès 1979, mais la Suède n’est plus du tout seule en Europe. 23 pays ont désormais interdit la fessée. C’est par exemple le cas de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Ukraine, la Hongrie, la Bulgarie ou encore de l’Espagne, de la Grèce et au Portugal. La France fait aujourd’hui figure de pays isolé, apparaissant comme l’un des derniers bastions où l’on peut fesser ses enfants.

La France est-elle hors la loi ?

Clairement, la France ne respecte pas son engagement à deux textes qu’elle a signés. Le premier est la Convention internationale des droits de l’enfant, dont on va célébrer les 25 ans, le 20 novembre 2014. À l’article 19, les Etats s’engagent à « protéger l’enfant contre toute forme de violence ». Le deuxième texte est la charte sociale européenne, ratifiée par la France en 1999 dans laquelle les pays s’engagent à « protéger les enfants contre la négligence, la violence ou l’exploitation ». Dans les deux cas, les signataires s’engagent à se doter d’une loi interdisant tous les châtiments corporels.

Mais le gouvernement français estime que sa législation est suffisante et refuse d’aller plus loin. La raison : les Français sont très attachés à leur droit de correction… 87% des Français donnent régulièrement la fessée à leur enfant. Et à chaque fois que des députés ont tenté de faire changer la loi, cela n’a jamais fonctionné. La dernière tentative remonte au mois de mai 2014, dans le cadre de la loi sur la famille. Mais le projet a été retiré au dernier moment sous la pression du gouvernement.

Mais les Français ont beau résister, le débat sera bientôt relancé puisqu’une plainte a été déposée contre la France par une ONG britannique de défense des droits de l’enfant pour le non respect de la charte européenne. Et la France devrait être prochainement rappelée à l’ordre par le Comité européen des droits sociaux.

La France mérite-t-elle des claques ?

Si la France s’accroche à son droit de correction, les Suédois, eux, ont du mal à le comprendre. Quand les Suédois ont interdit la fessée en 1979, eux aussi ont été confrontés à l’impopularité de la loi, qui était à l’époque totalement novatrice. 70% des Suédois étaient contre. Mais 35 ans plus tard, ils sont 92% à défendre leur loi, puisque entre temps ils ont beaucoup évolué, ont compris qu’il était possible d’éduquer les enfants autrement, et ils ne comprennent même pas qu’on puisse autoriser des adultes à lever la main sur leur enfant.

Dans un documentaire de Marion Cuerq, intitulé « Si j’aurais su… je serais né en Suède », visible dans son intégralité sur le site de l’OVEO, l’Observatoire de la violence éducative ordinaire, la réalisatrice a eu la bonne idée de poser aux Suédois la question suivante : « En France, la fessée est légale, qu’en pensez-vous ? ». Et le regard porté sur la France est sans concession. Quand on entend les réponses, on a l’impression que les parents français maltraitent leurs enfants… Or, la plupart des parents prétendent que la petite fessée n’a rien de violent.

Les conséquences des châtiments corporels

Evidemment la petite fessée n’est pas de la maltraitance, mais aujourd’hui on sait que toute violence, même légère, est nocive pour l’enfant. Plus de 150 études se sont intéressées à la fessée ou à la petite claque. Toutes, sans exception, montrent les conséquences négatives. Les enfants ayant reçu des châtiments corporels sont plus agressifs que les autres. Quand ces châtiments sont répétés, le fonctionnement de certaines régions du cerveau est modifié. Avec pour conséquences, plus tard, un risque de dépendance plus important aux drogues ou à l’alcool.

Des études suggèrent même que les fessées ou les gifles ont un impact négatif sur le QI et les facultés d’apprentissage. À l’inverse, aucune étude n’a montré de bénéfice de ces châtiments corporels par rapport à une éducation sans violence. Donc non seulement ces châtiments peuvent faire mal, mais en plus ils ne servent à rien… Une étude fait réfléchir, il s’agit de l’étude d’une psychologue américaine qui a démontré, que la plupart du temps, l’enfant n’est pas fessé en fonction de la gravité de sa bêtise, mais de l’état de stress ou de fatigue de ses parents.

Le modèle suédois

Depuis 2009, il y a eu quelques condamnations. Un couple a été condamné à neuf mois de prison pour avoir fessé ses enfants depuis leur plus jeune âge, parfois avec des objets. Les parents ont expliqué à la justice que la Bible était au dessus des lois et qu’elle leur recommandait de fesser leurs enfants. Mais cela est exceptionnel, et pendant les trente années qui ont suivi le vote de la loi, aucun parent n’avait été condamné. Il est donc possible de faire changer les mentalités sans envoyer les parents en prison. Et cette interdiction a eu un intérêt majeur, c’est la diminution de la maltraitance.

La petite fessée ne correspond pas à de la maltraitance, mais quand la loi autorise à frapper un enfant, même légèrement, chez les parents les plus fragiles, cela peut entraîner une escalade dans la violence. Et aujourd’hui, en Suède, les morts d’enfants par maltraitance sont extrêmement rares, alors qu’en France, deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents… Il faut aussi tenir compte de ça dans le débat pour ou contre la fessée.

Si la loi passe un jour, il faudra aussi donner les moyens d’accompagner, de proposer des solutions aux parents un peu perdus qui devront apprendre à imposer des limites aux enfant sans violence, ce qu’ont très bien su faire les autorités suédoises.

Par La rédaction d’Allodocteurs.fr
rédigé le 6 novembre 2014, mis à jour le 6 novembre 2014

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