Semaine du cerveau: nous sommes tous capables d’apprendre en imitant
Propos recueillis par Olivier Monod, publié le 14/03/2014 à 17:50
Sommes-nous égaux face à l’apprentissage par mimétisme ?
En pleine semaine du cerveau, Jennifer Cook, postdoctorante au Donders Institute et lauréate d’une bourse du Fonds AXA pour la Recherche, explique les soubassements neurologiques du mimétisme.
Sommes-nous tous capables d’apprendre par imitation?
Tous capables, oui, mais avec plus ou moins de facilité. La différence est bien connue chez les animaux. Certains vont apprendre en faisant, par la technique des essais et erreurs. D’autres vont rester assis et observer.
Parcours de chercheuse
« Je voulais être actrice quand j’étais au collège, jusqu’au jour où j’ai lu L’étrange cas du docteurr Jekyll et de Mr Hyde. J’ai adoré. La bibliothécaire m’a conseillé de lire des livres de psychologie. Je ne pensais pas que l’étude du comportement des autres pouvait être un métier. Cela m’a passionnée. Ensuite, j’ai eu beaucoup de chance d’obtenir les bourses auxquelles j’ai postulé, que ce soit pour ma thèse ou pour mon postdoctorat auprès du Fonds AXA pour la Recherche. »
Comment étudiez-vous ces différences?
J’étudie pourquoi certains sont meilleurs que d’autres, pour apprendre en imitant. Nous approchons ce comportement en regardant comment les décisions des personnes sont modifiées si un être humain leur donne un conseil ou si une machine leur en donne un.
Ensuite, nous regardons en imagerie neuronale si ces différences comportementales sont corrélées à des différences d’activité dans le cerveau. Par exemple, nous savons qu’un neurotransmetteur comme la dopamine est lié à l’apprentissage – il intervient dans le circuit de la récompense, notamment. La sérotonine, elle, est liée à la sociabilité et à la confiance et aux qualités de meneur. Nous regardons donc si des différences dans ces deux systèmes sont corrélées avec la capacité d’apprentissage social.
Vos recherches permettent de comprendre le fonctionnement du cerveau mais pourraient aussi permettre de comprendre l’autisme…
Durant ma thèse, je me suis intéressée à l’apprentissage par imitation chez des personnes autistes. Le but était de voir si elles sont sensibles à un environnement sociable. Je n’ai pas étudié la capacité d’imitation en soi. J’ai étudié la modulation de cette capacité en fonction de l’environnement.
Ma thèse a permis de démontrer que les individus sains, dans un environnement « prosocial », accentuaient leur comportement d’imitation. Alors que les personnes autistes gardaient la même capacité d’imitation, quel que soit l’environnement. Ce résultat est intéressant, car il permet d’affiner notre compréhension de l’autisme.
Vos découvertes reposent-elles sur une implication des « neurones miroirs », ces cellules nerveuses qui s’activent quand on observe une autre personne réaliser une action? Leur existence ne fait pas l’unanimité…
Je pense que ce qui est critiqué, c’est l’existence d’un système inamovible de neurones miroirs à part entière. En effet, je ne pense pas qu’un tel système existe. Cependant, il a bien été démontré, chez le singe, l’existence de neurones miroirs isolés, capables de s’activer quand il observe et quand il exécute une action. Depuis dix ans, nous avons fait de grands progrès pour prouver l’existence du même type de phénomène chez l’être humain.