Troubles de la concentration et de l’attention
Ils peuvent être très importants, et peuvent être liés à plusieurs causes:
•aux violences elles-mêmes, quand la victime continue de les subir au jour le jour. Elle se retrouve alors en permanence en état d’alerte, d’angoisse et de terreur, ne pensant qu’au danger qu’elle court, et de plus elle est confrontée aux allumages soudains de la mémoire traumatique des violences passées, qui la font basculer dans une autre dimension psychique correspondant au passé traumatique, et la rendent absente de la réalité du moment.
•**aux conduites d’évitement, de contrôle et d’hyper vigilance qu’elle met en place d’une part pour éviter au maximum les situations susceptibles de déclencher des comportements violents chez les agresseurs (stratégies défensives), et d’autre part pour éviter le déclenchement de sa propre mémoire traumatique (éviter des pensées, des situations, des sensations qui pourraient rappeler les violences). Ces conduites obligent la victime à se concentrer sur des pensées, des sensations, des comportements et des activités qu’elle sait sans danger, en développant souvent toute une pensée imaginaire sécurisante et contrôlée qui peut être envahissante avec des scénarios complexes, des personnages que l’on fait vivre et parler, des romans familiaux où la victime se recrée un autre univers, une autre famille, et un autre destin ; ces scénarios permettent de s’abstraire d’une réalité douloureuse et dangereuse, qui oblige la victime à vivre continuellement dans un état d’alerte et de surveillance d’elle-même, des autres et de tout ce qui l’entoure, l’empêchant de se concentrer vraiment sur ses études, son travail, ses lectures, ses conversations, etc.
•à un état de fatigue chronique lié à l’hyper vigilance, aux troubles du sommeil (insomnies, cauchemars), à la souffrance mentale et aux douleurs chroniques.
Troubles de la conscience
Ils consistent en un état de conscience altérée, une confusion, une sensation de d’irréalité et de dépersonnalisation.
Ils sont dus à des symptômes dissociatifs, produits par la disjonction de sauvegarde lors des violences, lors des allumages de la mémoire traumatique, et lors des conduites dissociantes (mises en danger, consommation d’alcool, de drogues, anorexie et boulimie, scénarios imaginaires dissociants, pratiques sportives extrêmes, etc.). Ces symptômes entraînent une anesthésie émotionnelle, qui donne une sensation d’irréalité, de dépersonnalisation, de ne pas être vraiment concerné par ce qui arrive, comme si on était spectateur des violences que l’on a subies et de sa vie (la réalité des violences est bien là mais comme l’anesthésie émotionnelle coupe des émotions, le fait d’en être la victime paraît irréel). La victime peut tenir un discours froid et distant, ou bien être souriante et paraître détachée, ce qui peut déstabiliser les interlocuteurs. **La victime doute d’elle-même, de ce qu’elle pense et de ce qu’elle ressent, cet état dissociatif l’empêche de comprendre ses réactions et ses émotions : d’un côté elle sait qu’elle vit ou a vécu des violences graves, mais comme elle est coupée de ses émotions, elle doute de leur gravité et de leur réalité ; de l’autre elle est submergée par des émotions qu’elle ne peut pas relier à des situations précises qui surviennent à l’improviste et qui lui font craindre d’être folle. Cet état de doute et d’incertitude va la rendre confuse, il permet à l’auteur des violences d’exercer une emprise sur elle, de la manipuler et de lui dicter des émotions, de lui imposer des pensées et un rôle dans sa mise en scène. Et il la rend extrêmement sensible aux questions et aux réactions des personnes qui l’entourent, la moindre incrédulité chez un interlocuteur peut la décontenancer, la faire douter et la faire se remettre en question, voire se rétracter.
Ces troubles de la conscience se manifestent par un état de conscience altérée avec des confusions temporo-spatiales qui ont démarré dès le moment des violences lors de la disjonction (l’hippocampe est alors déconnecté, or c’est lui qui permet un repérage temporo-spatial correct) et qui ont perduré ensuite, liées à l’état de dissociation chronique généré par les mécanismes de sauvegarde. Ce sont des difficultés à se repérer dans le temps, dans la chronologie des événements, par rapport à l’heure ou la date exacte. Avec la dissociation, le temps est totalement perturbé, il devient un temps irréel le plus souvent figé, comme s’il ne s’écoulait plus, sans repère. Le cours normal de la vie s’est arrêté avec le viol, les victimes le disent : « c’est comme si j’étais une morte-vivante ». La représentation de l’espace aussi peut être très perturbée, confuse, avec des distorsions des distances et des volumes, de grandes difficultés à se repérer, à se remémorer un trajet, et avec également des difficultés importantes de latéralisation (vision comme dans un miroir).