La pathologie de la fibromyalgie
Selon Brasseur (1997) la fibromyalgie touche essentiellement les femmes ; les études épidémiologiques montrent qu’elle toucherait 3,4 % des femmes et 0,5% des hommes. Le sujet qui souffre de fibromyalgie éprouve des douleurs diffuses, c’est-à-dire qu’il a pratiquement mal partout, y compris à la colonne vertébrale. La douleur touche aussi bien les parties hautes et basses du corps (par rapport à la taille), que les parties droite et gauche ou la région axiale.
Ces douleurs sont caractérisées par leur grande variabilité au froid, au chaud, à l’humidité, aux changements de temps mais aussi à l’anxiété, au stress, aux mauvaises nuits. Elles sont ressenties comme des crampes douloureuses, associées à des sensations de brûlure. Elles sont reproduites ou aggravées par une simple pression. On parle alors d’allodynie.
Le début peut être brutal (suite à un traumatisme, un choc psychologique, une infection…) ou d’installation progressive. À l’examen, la personne décrit de multiples points douloureux. À la pression de ces points, une douleur est ressentie. Si l’examen met en évidence 11 points douloureux parmi 18 sites anatomiques, on parle de fibromyalgie. En effet, celle-ci se définit par l’association de douleurs diffuses et de points douloureux découverts à l’examen. Ce type de douleur chronique évolue souvent pendant de nombreux mois, voire plusieurs années. Les patients souffrent assez souvent de nombreux autres symptômes associés, variables selon les cas, notamment : Raideur matinale, Troubles du sommeil avec des réveils fréquents, un sommeil non récupérateur, Fatigue dès le réveil, Troubles digestifs anciens (colon irritable, colopathie), Phénomène de Raynaud (pâleur, sensation de « doigts morts »), Céphalées (migraines ou céphalées de tension), Vertiges, Malaises, Sensation subjective de gonflement, de tuméfaction de la zone douloureuse, Anxiété, Dépression.
L’intensité de la douleur, évaluée par l’échelle visuelle analogique (EVA)1, peut être très élevée ; elle est estimée supérieure ou égale aux douleurs de la polyarthrite rhumatoïde (Cedraschi, 2003). Tous les examens (radiographie, électromyogramme (EMG), bilan biologique, ou autres (scanner ou IRM) sont normaux : il n’existe pas de lésion démontrée. Cette maladie n’est pas due à une atteinte grave du muscle ou du nerf. Il n’y a pas de myopathie ou de maladie neurologique et la vie du patient n’est pas en danger. Il s’agit véritablement d’une douleur que l’on endure au quotidien. On pense actuellement qu’il s’agit d’un dysfonctionnement des mécanismes centraux de contrôle de la douleur qui crée un état d’hypersensibilité.
On a souvent affirmé que cette douleur était due à des troubles psychologiques. Il est vrai que le patient fibromyalgique souffre plus que la population normale d’anxiété ou de dépression, mais ces troubles psychologiques ne sont probablement pas la cause primaire de la fibromyalgie. Il est également frappant de voir que la plupart des patientes que nous accompagnons ont connu des histoires difficiles. Des études citées par Cedraschi (2003) soulignent l’importance d’un évènement perçu comme traumatique et citent des antécédents de maltraitance ou d’abus sexuels, la survenue dans l’enfance d’évènements tels la perte d’un parent, la maladie d’un membre de la famille, une carence maternelle, une impression de surprotection paternelle. Dans tous les cas il est important de vérifier si de tels troubles existent car ils contribuent à la souffrance du patient et doivent également être pris en compte dans les soins.
La prise en charge des patients est souvent difficile dans la mesure où ces patients douloureux chroniques ont épuisé de nombreux médecins et ne supportent plus de s’entendre dire « qu’ils n’ont rien ». La reconnaissance de la maladie est pour eux d’une grande importance. Le diagnostic permet d’éviter une cascade d’examen, de fixer un pronostic de maladie chronique mais bénigne – la crainte de perdre son autonomie avec l’âge et le temps est souvent présente –, d’être reconnu par l’entourage familial, par l’employeur et par les organismes sociaux.
Il n’existe actuellement aucun médicament qui soit actif de façon complète, constante et persistante. Parmi les traitements non médicamenteux il peut être proposé aux patients un travail en rééducation fonctionnelle qui, par des massages, des techniques de physiothérapie antalgique et de gymnastique aquatique a des effets bénéfiques sur l’évolution de la maladie, également un accompagnement psychothérapeutique avec en particulier l’hypnose et les TCC.
Jean Touati