L’hypnose améliore la qualité de vie de personnes atteintes de démence
Une étude longitudinale pilote, menée par deux scientifiques de l’Université de Liverpool et publiée dans le journal trimestriel Alzheimer’s Care Quarterly, suggère que des séances hebdomadaires d’hypnose améliorent nettement la qualité de vie de personnes atteintes de démence.
Parce qu’il est connu que certaines catégories de personnes sont difficiles à hypnotiser, l’objectif de cette étude était de répondre à la question suivante : les personnes atteintes de démence répondent-elles à l’hypnose ? En d’autres termes, peuvent-elles être des sujets acceptables pour une telle étude ?
Avant d’entrer dans la problématique même de leur étude, les auteurs discutent la notion de qualité de vie, notion à la fois objective et subjective et par conséquent controversée : doit-on prendre en compte la perspective du personnel soignant ou des individus eux-mêmes ? Quels types de critères peuvent être mesurés de manière objective, pertinente et fiable ? Quelle que soit la difficulté à mesurer cette notion de qualité de vie de manière objective, les auteurs soulignent son importance pour évaluer l’impact des traitements ou des soins utilisés. Dans cette étude, ils ont exploré l’utilisation de l’hypnose dans des conditions de soins centrés sur la personne, en s’adaptant entièrement aux besoins et préférences de l’individu, et se sont intéressés aux changements positifs de qualité de vie de patients atteints de démence et vivant en maisons spécialisées. Ils se sont appuyés sur des études précédentes selon lesquelles le renforcement du degré d’autonomie des patients atteints de démence et l’encouragement de leurs relations interpersonnelles est extrêmement bénéfique. Ces observations soulignent l’importance des aspects émotionnels et psychologiques de l’expérience vécue par le patient, qui peuvent alors primer sur les soins physiques. Sept critères d’évaluation ont été choisis, indicateurs psychosociaux utiles à la qualité de vie : concentration, relaxation, motivation, activités quotidiennes, mémoire immédiate, mémoire d’événements significatifs de la vie, socialisation.
Pour l’ensemble des raisons évoquées ci-dessus, les auteurs ont donc choisi de restreindre le nombre de volontaires inclus dans cette étude à 18. Ils ont créé trois groupes distincts de six personnes : un premier recevant une séance hebdomadaire d’hypnose pendant une durée de neuf mois (36 heures au total), un deuxième groupe participant à une heure hebdomadaire de discussion de groupe sur des sujets d’actualité (36 heures au total), et un troisième groupe recevant les traitements traditionnels des maisons spécialisées dans lesquelles ils vivent. Afin de ne pas biaiser les résultats, l’évaluation des volontaires avait lieu deux jours avant chaque nouvelle session. Par ailleurs, ces évaluations étaient effectuées par du personnel ne connaissant pas l’identité des volontaires faisant partie de
Au plan méthodologique, les auteurs soulignent l’importance de s’assurer, au début de chaque séance, que les volontaires sont bien en état d’hypnose et non simplement endormis. Il existe pour cela un certain nombre de tests permettant de garantir cet état, qui conduisent à l’abandon pur et simple de la séance s’ils ne sont pas remplis. Ce cas extrême s’est produit une fois sur 36 séances (multipliées par 6 volontaires). Lorsque l’état d’hypnose était confirmé, les phrases répétées aux volontaires étaient du type suivant : « à la fin de la séance, et entre maintenant et la prochaine fois que je vous vois, vous vous sentirez plus à l’aise et relaxé, plus motivé pour entreprendre les choses que vous voulez faire »; « vous aurez une meilleure clarté de pensée et pourrez-vous concentrer plus longtemps que d’habitude »; « vous serez moins inquiet et moins anxieux »; « vous souhaiterez passer plus de temps en compagnie d’autres personnes et souhaiterez davantage discuter avec d’autres ».
Les résultats présentés proviennent donc de la collecte d’évaluations effectuées au cours d’une période de neuf mois, à laquelle vient s’ajouter une évaluation 12 mois après la fin de l’étude, permettant de déterminer si les changements potentiels observés restent stables après l’arrêt des séances. De manière remarquable, les sept critères de qualité de vie évalués montraient une nette amélioration chez les volontaires ayant été hypnotisés, non seulement pendant toute la durée de l’étude, mais également 12 mois plus tard. Une seule exception, le critère relaxation 12 mois après la fin de l’étude n’était pas différent du niveau observé pour le groupe recevant des traitements et soins traditionnels. Par comparaison, le groupe de volontaires impliqués dans des groupes de discussion ne démontrait aucune amélioration par rapport au groupe traité de manière traditionnelle, suggérant que l’hypnose avait un effet positif spécifique sur la qualité de vie des volontaires. Les auteurs se sont demandé si l’amélioration de l’ensemble des critères de qualité de vie observés conduisait également à une amélioration de l’expérience personnelle de qualité de vie pour chaque patient, c’est-à-dire si ces différences se traduisaient en amélioration cliniques. Du point de vue des personnels soignant, qui, rappelons-le, ne connaissaient pas l’identité des volontaires, ceux ayant été impliqués dans l’étude étaient plus faciles et plus actifs, montrant davantage d’affect positif.
Pour expliquer l’impact positif des séances d’hypnose sur les critères de qualité de vie prédéterminés, les scientifiques proposent l’hypothèse suivante : la réalisation, par les patients atteints de démence, de la perte progressive de leurs facultés mentales et de leurs capacités physiques augmente de manière significative les niveaux d’anxiété et de dépression, des états émotionnels connus pour recruter des processus cognitifs ; ces capacités cognitives, finies, et réduites en raison de la maladie le sont encore davantage par ces états d’anxiété et de dépression ; les séances d’hypnose réduisent l’anxiété et la dépression, libérant les ressources qui auraient été utilisées par ces états émotionnels, et qui sont alors disponibles pour d’autres tâches. Les auteurs soulignent que ces ressources disponibles resteront limitées en raison d’une diminution biologique due à la maladie, et en aucun cas ils ne suggèrent que l’hypnose pourrait restaurer ces fonctions perdues.
Les scientifiques souhaitent maintenant donner davantage d’envergure à cette étude pilote, qui représente une bonne base pour des études ultérieures qui pourront démontrer les limites de l’hypnose dans l’amélioration de la qualité de vie de patients atteints de démence. Pour cela cependant, les auteurs incluront une méthodologie plus rigoureuse afin de combler quelques lacunes : les groupes de volontaires n’étaient pas comparables sur des facteurs potentiellement importants tels que la facilité d’hypnotisation et de suggestibilité ; le point de vue des volontaires n’a pas été prise en compte ou mesurée ; le petit nombre de patients montrait des diagnostics variés, conduisant à une variabilité intra-groupe importante.
La maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-dégénérative au cours de laquelle les neurones, servant à programmer un certain nombre d’actions, dégénèrent et meurent, entraînant la perte des capacités liées à l’activité des neurones en question. Dans la maladie d’Alzheimer, les premiers neurones à être touchés sont ceux localisés dans la région de l’hippocampe, siège de la mémoire. La dégénérescence se propage ensuite à d’autres zones du cerveau, menant à la disparition progressive des capacités d’orientation dans le temps et dans l’espace, de reconnaissance des objets et des personnes, d’utilisation du langage, de raisonnement, de réflexion…
La démence
La démence est un affaiblissement mental global frappant l’ensemble des facultés psychiques et altérant progressivement l’affectivité et l’activité volontaire du patient ainsi que ses conduites sociales. La maladie se caractérise également par déficits cognitifs multiples, qui se distinguent par leur étiologie : vasculaire, infectieuse, traumatique, toxique ou tumorale.
Ces déficits cognitifs sont les suivants : altération de la mémoire ; aphasie ou troubles du langage ; apraxie ou altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes ; agnosie, ou impossibilité à reconnaître ou identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes ; perturbation des fonctions exécutives permettant de faire des projets, organiser, ordonner dans le temps ou avoir une pensée abstraite.
Les causes de la démence
La cause la plus fréquente est la maladie d’Alzheimer, suivie par la démence vasculaire et la maladie de Pick, l’hydrocéphalie à pression normale, la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington et les tumeurs cérébrales. Viennent ensuite, en proportion plus faibles, l’anoxie (diminution de la quantité d’oxygène du sang distribué aux tissus), les maladies infectieuses (VIH sida), la maladie de Creutzfeldt-Jakob, les maladies endocriniennes comme l’hypothyroïdie ou de diabète, les carences vitaminiques, les maladies immunitaires, certaines maladies hépatiques métaboliques ainsi que d’autres maladies neurologiques telle que la sclérose en plaques.
Source : Université de Liverpool, News, 28/07/08, http://www.liv.ac.u